Choix d'une identité cellulaire : une brève histoire de temps

Résultats scientifiques Biologie cellulaire Développement, évolution

Un des enjeux majeurs de la neurobiologie du développement est de comprendre comment est générée l’extraordinaire diversité de types cellulaires qui composent le système nerveux. Une étude publiée dans Plos Biology a permis d’identifier un nouveau mécanisme dans lequel, après la division, les deux cellules sœurs activent une voie de signalisation à des moments différents générant ainsi une plus grande diversité cellulaire à partir d’un même progéniteur.

Chez le poisson zèbre, la glande pinéale est directement photosensible, elle contient deux grandes catégories de neurones : des photorécepteurs et des neurones de projection. Des études précédentes ont montré que l’activation de la voie de signalisation BMP (pour Bone Morphogenetic Protein) est nécessaire et suffisante pour donner une identité ‘photorécepteur’ aux progéniteurs de la glande pinéale. Dans cette nouvelle étude, les auteurs mettent en évidence l’existence de plusieurs types de photorécepteurs différents exprimant différents photopigments. Parmi les trois types cellulaires identifiés, ils s’intéressent particulièrement aux photorécepteurs exo+ (exprimant l’exorhodopsine) et PT+ (exprimant la pariétopsine). Ces photorécepteurs apparaissent selon une séquence temporelle, ceux qui expriment exo d’abord suivis par ceux qui expriment PT.   A l’aide de lignées transgéniques, les chercheurs montrent qu’une activation précoce de la voie BMP génère des cellules d’identité ‘précoce’ alors qu’une activation tardive de la voie génère des photorécepteurs d’identité différente ou ‘tardive’.

L’identité de ces cellules dépend donc intimement du moment auquel elles décident de devenir des photorécepteurs. A l'aide de techniques d’imagerie in vivo sur embryons entiers, les auteurs montrent que ces cellules naissent à partir de progéniteurs générant uniquement des photorécepteurs et se divisant de manière asymétrique au sens où l’activation de la voie BMP se fait de manière asynchrone entre cellules filles. De manière surprenante, quand on réduit l’activité d’une autre voie de signalisation, la voie Notch, la voie BMP est activée plus précocement et de manière plus synchrone, ce qui favorise la production de cellules photoréceptrices d’identité ‘précoce’ au détriment des cellules d’identité ‘tardive’. Les auteurs proposent un modèle dans lequel empêcher l’activation synchrone d’une voie de signalisation dans les deux cellules filles après la division permet une diversification des identités cellulaires. Ce modèle contribue à mieux comprendre comment le temps, qui est un paramètre essentiel en neurobiologie du développement, exerce son action sur l’identité cellulaire.

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© Elise Cau CC BY

Figure : A) Schéma de la glande pinéale en vue dorsale montrant les différents types de photorécepteurs. Vue dorsale avec la partie antérieure est en haut (ant) et la partie postérieure en bas (post). Les photorécepteurs exo+, PT+ et red+ sont en vert, bleu et rouge respectivement tandis que les neurones de projection sont représentés en gris. B) Modèle de spécification des photorécepteurs exo+ et PT+ par division temporellement asymétrique. Certains progéniteurs possèdent à la fois un fort niveau de phosphorylation des effecteurs de la voir BMP (SMAD) et en même temps une activation des cibles de la voie Notch.  De ce fait, ces progéniteurs sont prédéterminés à devenir des photorécepteurs. Après la division, l’inhibition des cibles de BMP par la voir Notch sera relâchée dans une des cellules filles d’abord puis dans l’autre. En fonction du moment auquel les cibles de BMP seront activées, la cellule choisira une identité ‘précoce’ (exo+) ou ‘tardive’ (PT+).

 

En savoir plus
A Notch-mediated, temporal asymmetry in BMP pathway activation promotes photoreceptor subtype diversification.
Cau E, Ronsin B, Bessière L, Blader P.
PLoS Biol. 2019 Jan 31;17(1):e2006250. doi: 10.1371/journal.pbio.2006250. eCollection 2019 Jan.

Contact

Elise Cau
Chercheuse CNRS au Centre de biologie du développement (CBD) - (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier)