Trois lauréats INSB du prix « Les grandes avancées françaises en biologie »

Distinctions

Le 22 juin 2021, « Les grandes avancées françaises en biologie » (prix dotés par la Fondation Mergier Bourdeix) de l’Académie des sciences a récompensé douze jeunes chercheurs, auteurs d’avancées scientifiques majeures en biologie publiées en 2019, 2020 et 2021 dans des journaux de très haut niveau dont 3 biologistes de l'Institut des sciences biologiques (INSB).

Découvrez une courte présentation des travaux ci-dessous des 3 jeunes chercheurs et chercheuses lauréats du prix "Les Grandes Avancées Françaises en Biologie".

Source : Académie des sciences

 

Maria ALMONACID - Centre interdisciplinaire de recherche en biologie

Dans l’ovocyte, un champ de forces agit sur le noyau et affecte la transcription de certains gènes

La reproduction sexuée consiste en la fusion d’un gamète femelle, l’ovocyte, avec un spermatozoïde, conduisant à la formation d’un embryon. Dans la plupart des organismes, la position du noyau dans l’ovocyte en fin de croissance instruit les futurs axes de développement de l’embryon. Ce n’est pas le cas dans l’ovocyte humain ou de souris, dont le noyau est centré. En collaborant avec des physiciens, nous avons découvert le mécanisme nouveau et original à l’origine de ce centrage. Un réseau de filaments d’actine, organisé de manière dynamique autour de vésicules, génère un champ de forces orienté vers le centre de l’ovocyte qui amène aussi de la fluidité dans le cytoplasme. Sous l’effet de ce mécanisme physique, les objets au-dessus d’une certaine taille, noyau y compris, sont poussés et maintenus au centre de la cellule. Plus récemment, nous avons découvert que ces forces ont aussi un effet à l’intérieur du noyau. Le champ de force cytoplasmique « masse » activement la surface du noyau, mobilisant la chromatine sous-jacente et contrôlant la transcription de certains gènes. Ainsi, en modulant finement le stock d’ARNs maternels, le centrage du noyau est prédictif de la qualité du gamète femelle et de son potentiel développemental après fécondation.

Active fluctuations of the nuclear envelope shape the transcriptional dynamics in oocytes. (2019)
Almonacid M, Al Jord A, El-Hayek S, Othmani A, Coulpier F, Lemoine S, Miyamoto K, Grosse R, Klein C,Piolot T, Mailly P, Voituriez R, Genovesio A, Verlhac MH. Developmental Cell 21:51(2), 145-157.
https://www.cell.com/developmental-cell/fulltext/S1534-5807(19)30739-7?_returnURL=https%3A%2F%2Flinkinghub.elsevier.com%2Fretrieve%2Fpii%2FS1534580719307397%3Fshowall%3Dtrue

 

Lakshmi BALASUBRAMANIAM - Institut Jacques Monod

L’importance des forces mécaniques dans l’organisation des tissus

De nombreux processus biologiques dépendent de l’activité collective des cellules, de la façon dont elles interagissent les unes avec les autres. Des changements dans la façon dont les cellules adhèrent entre elles et à la matrice sont impliqués dans des mécanismes développementaux essentiels comme la formation et le modelage des tissus, mais aussi dans des mécanismes pathologiques comme la progression tumorale. Ces interactions transmettent des forces mécaniques développées par les cellules. Il en résulte que la nature des forces mises en jeu est importante pour caractériser l’organisation, le type et le devenir des tissus biologiques. Au sein des tissus, les cellules individuelles ont bien souvent des formes plutôt allongées et s’alignent localement à la manière d’une classe de matériaux inertes bien connue : les cristaux liquides « nématiques ». Les monocouches cellulaires peuvent donc être décrites comme des matériaux nématiques, mais actifs, dans lesquels les moteurs moléculaires assurent le mouvement cellulaire. Pour des cellules individuelles isolées, les forces exercées sur la matrice se présentent généralement comme des forces opposées qui tirent vers l’intérieur de la cellule le long de son grand axe. Pourtant, au niveau collectif dans des épithéliums, le comportement nématique du système est modifié, et cette organisation disparaît pour laisser place à des forces de poussée le long du grand axe. Pour comprendre ces changements entre l’individuel et le collectif, nous avons étudié l’impact de l’adhésion cellulaire sur la dynamique de ces systèmes nématiques actifs et notamment sur les singularités d’alignement qui en résultent, appelées défauts topologiques. Notre étude montre que le changement du comportement nématique est la signature de la compétition entre les forces générées au niveau de la matrice et celles générées aux contacts intercellulaires. Une perte d’adhésion entre cellules induit, par exemple, un renforcement mécanique au niveau de la matrice qui modifie le comportement collectif des cellules. Dans les années 1960, M. Steinberg proposait que le mouvement des cellules au sein d’un tissu et leur ségrégation était liée à la minimisation de la tension interfaciale, un mécanisme bien connu dans les bulles. Ces nouveaux travaux proposent une hypothèse alternative et montrent que la séparation de populations cellulaires peut s’expliquer par l’émergence de comportements nématiques différents modulés par les propriétés d’adhésion.  
Notre travail pluridisciplinaire à l’interface entre la biophysique et la biologie cellulaire propose un nouveau cadre pour comprendre l’auto-organisation des tissus basée sur l’analogie avec des cristaux liquides actifs nématiques et la nature des forces internes.

Investigating the nature of active forces in tissues reveals how contractile cells can form extensile monolayers. (2021)
Balasubramaniam L*, Doostmohammadi A*, Saw T B, Sankara Narayana G H N, Mueller R, Dang T, Thomas M, Gupta S, Sonam S, Yap A S, Toyama Y, Mège R M, Yeomans J M, Ladoux B.
Nat. Mater. (2021)
https://www.nature.com/articles/s41563-021-00919-2
* Co-premier auteurs

Gabor PAPAI - Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire

Comment certains assemblages multi-protéiques contrôlent l’expression des gènes

L'expression des gènes est d'abord contrôlée par des facteurs protéiques conçus pour positionner l'enzyme  nécessaire à la synthèse de l'ARN messager au début de la séquence codant pour le gène. La protéine qui
dirige cette enzyme vers sa position correcte sur l'ADN est appelée TBP (TATA-box Binding Protein) dans les  organismes contenant un noyau. Son interaction avec l'ADN orchestre une séquence d'événements qui conduit à l'initiation de la transcription de l'ADN en ARN, qui conduit ensuite à l'expression de la protéine. La TBP est incorporée dans deux assemblages multi-protéiques, appelés TFIID et SAGA, pour répondre aux signaux stimulant la transcription et pour empêcher une interaction incontrôlée avec l'ADN. Notre étude a révélé l'organisation spatiale de SAGA à l'échelle atomique. Pour la première fois, la structure du TBP a pu être visualisée dans un complexe réglementaire. Notre étude a montré que les protéines qui interagissent avec TBP sont disposées selon une conformation similaire à celle des nucléosomes, qui sont les unités structurelles de base de l'emballage de l'ADN et cette disposition est importante pour maintenir TBP à une position bien définie. Les partenaires d'interaction de TBP dans SAGA sont conservés dans l'autre complexe de régulation, TFIID, ce qui suggère qu'un mécanisme universel est utilisé pour délivrer TBP de manière contrôlée lors de l'initiation de la transcription .

Structure of SAGA and mechanism of TBP deposition on gene promoters
Papai G, Frechard A, Kolesnikova O, Crucifix C, Schultz P and Ben-Shem A.. (2020)
Nature, 577:7792, 711-716.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31969704/

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