Soigner les traumatismes par de faux souvenirs…

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

En se servant de la malléabilité des souvenirs, un groupe de chercheuses a créé des faux souvenirs chez des rats traumatisés en diminuant leur réponse émotionnelle par des injections d’ocytocine délivrées avant la réactivation du souvenir traumatique. Ce nouveau souvenir, qui se différencie de l’original par une valence émotionnelle réduite, prend alors le pas sur le souvenir initial, permettant ainsi de réduire les symptômes traumatiques et leurs conséquences cérébrales. Cette étude est publiée dans la revue Translational Psychiatry.

Les troubles de stress post traumatiques (TSPT), qui interviennent chez certaines personnes soumises à un stress intense, constituent une pathologie invalidante, durable, très sujette aux rechutes, et qui n’a jusqu’à ce jour aucun traitement spécifique.

Les chercheuses ont préalablement montré que des souvenirs réactivés par la présentation d’indices spécifiques de l’événement initial sont malléables et susceptibles d’intégrer de nouvelles informations. Elles se sont servies de cette caractéristique pour tenter de réduire l’émotivité associée à un souvenir traumatique. Dans cette étude, des rats ont été traumatisés en suivant un protocole classique agréé par un comité d’éthique et 50% d’entre eux (les vulnérables) ont développé des symptômes typiques du TSPT, comme l’anxiété et l’hyperréactivité comportementale, alors que les résilients se comportaient comme les rats de contrôle. Un mois plus tard, l’ensemble des animaux a été soumis à deux séances de « remodelage émotionnel ». Lors de chaque séance, les animaux reçoivent une injection intracérébrale de sérum physiologique ou d’ocytocine, une hormone qui intervient dans la communication sociale et qui est connue pour réduire notablement l’anxiété. Ils sont ensuite exposés à des indices de rappel, c’est à dire des informations présentes lors du traumatisme (son, odeur, lumière), afin de réactiver ce souvenir. Le but des chercheuses était de créer chez ces animaux un nouveau souvenir ayant les mêmes éléments que le souvenir initial mais avec une composante émotionnelle réduite grâce au prétraitement par l’ocytocine. D’après les données obtenues préalablement, c’est ce nouveau souvenir, parce qu’il est plus récent que le souvenir traumatique initial, qui va être évoqué lors de réactivations ultérieures. Une semaine plus tard, l’efficacité du traitement a été recherchée au niveau comportemental. Les résultats ont montré que 83% des animaux vulnérables traités par l’ocytocine ne présentaient plus de symptômes et se comportaient comme des animaux résilients.

Les chercheuses ont constaté que l’effet du remodelage émotionnel était toujours présent trois semaines plus tard et que les altérations cérébrales dues au traumatisme avaient disparues. En effet, les animaux vulnérables traités par remodelage émotionnel sous ocytocine ne se distinguaient plus des animaux contrôles et ne présentaient plus les modifications constatées au niveau du cortex préfrontal et de l’amygdale (deux structures connues pour être impactées par le TSPT) des animaux vulnérables contrôles.

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© Pascale Gisquet-Verrier

Figure :  A ) Chez les rats traumatisés vulnérables qui ont reçu du sérum physiologique lors du remodelage émotionnel (SAL SPS-V), la longueur totale des dendrites (en µm) dans le cortex prélimbique (PL) est diminuée par rapport à celle d’animaux traumatisés résilients (SAL SPS-R) ou contrôles (SAL CTRL) chez alors qu’après remodelage émotionnel sous ocytocine, elle est comparable à celle des rats contrôles (OXY CTRL) et même supérieure à celle des rats résilients (OXY SPS-R). B) Des résultats similaires sont obtenus lorsque que l’on analyse des images représentatives de l’arbre dendritique.

Pour en savoir plus :

Emotional remodeling with oxytocin rescues traumainduced behavioral and morphological changes in rats: A promising treatment for PTSD.
Le Dorze C, Borreca A, Pignataro A, Ammassari- Teule M and Gisquet-Verrier P.
Translational Psychiatry 27 Janvier 2020 doi : 10.1038/s41398-020-0714-0

Laboratoire :

Institut des Neurosciences Paris-Saclay (NeuroPsi) - (CNRS / Université Paris-Saclay)

Contact

Pascale Gisquet-Verrier
Directrice de recherche CNRS