Vivre ensemble ou comment les plantes se rétablissent d'une maladie virale
Figure : Rétablissement d'une plante infectée par le virus de la mosaïque du colza. Alors que les feuilles âgées présentent de forts symptômes de maladie, les feuilles supérieures, nouvellement développées, en sont exemptes. La plante représentée possède © Camilla Julie Kørner, Manfred Heinlein

Vivre ensemble ou comment les plantes se rétablissent d'une maladie virale

Résultats scientifiques

Les maladies virales provoquent de graves dommages aux plantes cultivées entraînant des pertes de récolte. Cependant, dans certains cas, les plantes malades peuvent se rétablir et poursuivre un développement normal. Paradoxalement, les feuilles saines contiennent des virus toujours actifs. Le rétablissement de la plante infectée ne peut donc s'expliquer que par l'atteinte d'un état de tolérance dans lequel plante et virus peuvent coexister sans causer de maladie. En utilisant Arabidopsis thaliana comme modèle, des chercheurs du CNRS et de l'Université de Bâle ont identifié les gènes et les mécanismes impliqués dans ce phénomène de rétablissement. La compréhension de ce processus pourrait avoir des implications très importantes en agronomie. Cette étude est publiée le 01 mars 2018 dans la revue Nature Plants.

Dans cette étude, les chercheurs ont découvert que des plants d'Arabidopsis infectés par le virus de la mosaïque du colza (Tobamovirus) se rétablissent de la maladie (un processus appelé symptom recovery) à un stade avancé de l'infection. Fait intéressant, les feuilles saines des plantes contiennent des virus infectieux qui peuvent encore se répliquer. Ainsi, ce rétablissement n'est pas basé sur l'exclusion ou l'inhibition du virus, mais implique plutôt un état de tolérance dans lequel le virus et la plante peuvent coexister. L'utilisation de nombreux mutants d'Arabidopsis a révélé l'importance de la voie du PTGS (post-transcriptional gene silencing) et d'une production importante de petits ARNs interférant primaires et secondaires de 21-22 nucléotides (siARN). Les mutations qui augmentent la production de siARN entraînent un rétablissementplus précoce alors que celles qui en réduisent la production le retardent ou l'inhibent. Certains composants de la voie du TGS (transcriptional gene silencing), connue pour faciliter la propagation du gene silencing dans la plante, sont également mis en œuvre.

L’initiation du processus de rétablissement est observée dans les tissus jeunes qui attirent les siARNs comme les sucres et les métabolites provenant des feuilles matures. L'obtention d'un état de tolérance implique également l'inactivation du VSR (suppresseur viral du silencing), qui est connu pour séquestrer les petits ARNs. Sur la base de leurs observations, les auteurs concluent que l'état de tolérance menant au rétablissement survient avec le déplacement des siARNs secondaires antiviraux des feuilles matures vers les feuilles jeunes, jusqu'au franchissement d'un seuil permettant de bloquer l'activité VSR impliquée dans l’apparition des symptômes.

Ces résultats indiquent que les plantes peuvent utiliser le gene silencing couplé à la communication intercellulaire et à la régulation systémique pour contrôler l'activité du VSR dans les tissus jeunes et ainsi surmonter une maladie virale établie. Les mécanismes découverts ouvrent de nouvelles perspectives pour l'obtention des plantes cultivées tolérantes aux virus sans développer de maladies.

Image retirée.
Figure : Rétablissement d'une plante infectée par le virus de la mosaïque du colza. Alors que les feuilles âgées présentent de forts symptômes de maladie, les feuilles supérieures, nouvellement développées, en sont exemptes. La plante représentée possède le gène de la GFP (green fluorescent protein) mais son expression est habituellement inhibée dans cette lignée. Cependant, lors de l'infection, la plante devient fluorescente car la protéine virale suppresseur de silencing (VSR) supprime l'extinction de la GFP. Cette figure montre que le rétablissement est associé à la perte de l'activité VSR, centrale dans le déclenchement de la maladie.
© Camilla Julie Kørner, Manfred Heinlein

 

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Manfred Heinlein
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