Un motif de la paroi de lactobacilles, élément clé pour tamponner les effets de la sous-nutrition sur la croissance

Résultats scientifiques

En cas de sous-nutrition chronique certains lactobacilles favorisent la croissance de leur hôte. Ces observations traduisent le rôle central de l'environnement bactérien dans la réponse physiologique à la sous-nutrition. L’équipe de François Leulier à l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Univ Claude Bernard/Inra), en collaboration avec l'équipe de Marie-Pierre Chapot-Chartier à l'institut Micalis (Inra/AgroParisTech), identifie un motif de la paroi bactérienne, l'acide téichoïque d-alanylé, comme impliqué dans le dialogue moléculaire entre la bactérie et son hôte par la stimulation de l'expression et de l'activité d'enzymes digestives. Ce phénomène, décrypté chez la mouche drosophile, se traduit par une meilleure assimilation des nutriments et donc une croissance optimisée malgré un état de sous-nutrition. Cette étude a été publiée le 9 octobre 2017 publiée dans la revue Nature Microbiology.

Selon l'organisation mondiale de la santé, la sous-nutrition touche encore plus de 150 millions d'enfants à travers le monde en 2017, causant de forts troubles de la croissance chez plus de 40 millions d'entre eux. Au delà des carences nutritionnelles, des études récentes démontrent que la sous-nutrition altère aussi la mise en place et la maturation des communautés bactériennes de l'intestin (ou microbiote). Elle favorise l'installation de bactéries pathogènes au détriment d'autres souches bactériennes normalement présentes et bénéfiques pour la santé en général et la physiologie intestinale en particulier.

A l'aide de modèles animaux, l'équipe de François Leulier à l'institut de génomique fonctionnelle de Lyon a identifié précédemment l'importance d'un microbiote "sain" comme facteur tamponnant l'effet délétère d'une sous-nutrition chronique sur la croissance. En particulier le rôle central et conservé au cours de l'évolution de certaines bactéries commensales, des lactobacilles, dans cet effet tampon avait été identifié 1 2 . L'équipe avait identifié que ces lactobacilles favorisent la croissance de leur hôte en stimulant directement l'expression et l'activité d'enzymes digestives permettant ainsi d'augmenter la rentabilité de la digestion, en particulier celle des protéines 3 . Ceci se traduit par une meilleure assimilation des nutriments et donc globalement une meilleure efficacité nutritionnelle malgré la sous-nutrition.

Ces nouveaux travaux de l'équipe effectués en collaboration avec celle de Marie-Pierre Chapot-Chartier, font suite à ces premières découvertes et portent maintenant sur les éléments bactériens favorisant la croissance de leur hôte. A l'aide d'approches génétiques et biochimiques réalisées chez la bactérie Lactobacillus plantarum en association avec l'un de ses hôtes animal, l'organisme modèle drosophile, les équipes viennent de mettre en évidence une machinerie moléculaire bactérienne nécessaire au dialogue moléculaire entre la bactérie et leur hôte. Ce dialogue moléculaire est essentiel pour l'effet promoteur de croissance animale de ces lactobacilles. La machinerie identifiée est responsable de la modification par D-alanylation des acides téichoïques, un élément majeur de la paroi bactérienne des lactobacilles. Les souches bactériennes mutantes pour cette machinerie sont dépourvues d'acides téichoïques D-alanylés dans leur paroi, ne stimulent plus l'expression et l'activité des enzymes digestives de la drosophile et par conséquent ne soutiennent plus la croissance de leur hôte animal lorsque celui-ci est sujet à une sous-nutrition.

Ces travaux mettent à nouveau en lumière l'effet bénéfique des lactobacilles sur la croissance juvénile en cas de sous-nutrition. En particulier, ils identifient un des mécanismes moléculaires par lequel la bactérie favorise la croissance de son hôte. Ils ouvrent ainsi la voie à de nouvelles études visant à identifier la machinerie de l'hôte impliquée dans la reconnaissance et la signalisation des acides téichoïques d-alanylés présents dans la paroi de ces souches de lactobacilles promotrices de croissance. Les travaux récents du laboratoire ont établi que ces mêmes bactéries influencent aussi la croissance post-natale chez la souris 2 . Ces nouveaux résultats ouvrent ainsi la voie à l'étude de ces composés bactériens et de leur reconnaissance par les cellules intestinales dans la régulation de la croissance chez les mammifères. Ces études pourraient mener à la mise au point de stratégies thérapeutiques innovantes couplant re-nutrition et utilisation de souches ou composés microbiens afin d'influencer la dynamique de croissance d'enfants sujets à des épisodes de sous-nutrition. 

 

Image retirée.
Figure : A l'aide d'un crible génétique (illustration de gauche) chez la bactérie Lactobacillus plantarum (en haut à droite) associée à son hôte animal la larve de Drosophila melanogaster (en bas à droite), les équipes de François Leulier et Marie-Pierre Chapot-Chartier identifient un motif de la paroi bactérienne impliqué dans le dialogue moléculaire entre la bactérie et son hôte.

© Vincent Moncorgé, Thierry Meylheuc, Renata Matos, Maura Strigini
 

 

 

En savoir plus

  • 1Storelli G et al. Cell Metab. 2011 Sep 7;14(3):403-14. doi: 10.1016/j.cmet.2011.07.012.
  • 2 a b Schwarzer M et al. Science, 2016 Feb 19; 351(6275):854-7
  • 3Erkosar B et al. Cell Host and Microbe, 2015 Oct 14; 18(4):445-55

Contact

François Leulier