Recombinaison homologue entre les chromosomes X et Y en méiose

Résultats scientifiques Génétique, génomique

La recombinaison entre chromosomes homologues est une étape indispensable au bon déroulement de la méiose. L’absence de recombinaison conduit à la stérilité. Le mécanisme de recombinaison dans la courte région d’homologie entre les chromosomes X et Y (région pseudo-autosomale "PAR") reste énigmatique. En collaboration avec l'université de Dresde, les chercheurs ont analysé des souris mutantes pour le gène Ankrd31.  Les résultats, publiés dans la revue Molecular Cell, montrent que Ankrd31 est indispensable pour la formation des cassures de l’ADN (CDBs) qui initient la recombinaison méiotique dans le PAR et joue également un rôle pour une cinétique normale des CDBs sur les autosomes.

La ségrégation des chromosomes en méiose implique un mécanisme spécifique qui nécessite l’établissement de connections entre chromosomes homologues. Ces connections sont établies par la recombinaison homologue, et l’absence de recombinaison conduit à des défauts de ségrégation ou à l’arrêt de la méiose et à la stérilité. Durant la prophase de méiose, ce programme de recombinaison est initié par l’induction programmée de cassures de l’ADN (CDBs) qui sont réparées par interaction avec le chromosome homologue. Une régulation précise, temporelle et spatiale, est mise en place pour assurer la formation et réparation des CDBs sans erreur et en générant au moins une échange réciproque (crossing-over) entre chaque paire de chromosomes homologues.

Ce contrôle soulève une question spécifique entre les chromosomes X et Y dont la région d’homologie (région pseudo-autosomale ou PAR) est relativement courte (800Kbp, comparée à 50-190Mbp pour les autosomes) et l’activité de recombinaison par unité de longueur 50 fois plus élevée dans le PAR.

L’équipe de Dresde avait identifié le gène Ankrd31, généré des souris mutantes et montré par des analyses cytologiques une absence de recombinaison entre les chromosomes X et Y, ainsi que des défauts de recombinaison sur les autosomes. Par une analyse de détection directe des intermédiaires de recombinaison (ChipSeq DMC1), les chercheurs ont démontré une très forte réduction (10 fois) dans le PAR chez les souris mâles Ankrd31-/-. Ces souris sont stériles. Compte tenu des analyses cytologiques, l’interprétation la plus vraisemblable est une diminution de la formation de CDBs dans le PAR en absence d’ANKRD31.

De manière inattendue, les chercheurs ont détecté un changement de localisation des sites de CDBs sur les autosomes, leur activité globale n’étant pas modifiée : Alors que dans les souris sauvages les CDBS se forment au niveau des sites du génome reconnus et fixés par la protéine PRDM9, dans le mutant Ankrd31-/-, une partie des CDBs (20%) n’a pas lieu au niveau des sites PRDM9 mais au voisinage de régions promotrices. Cette modification de localisation pourrait être la conséquence d’une modification de la cinétique des CDBs. Ainsi, outre son rôle pour les CDBs dans le PAR, ANKRD31 est donc requis pour un niveau de CDBs normal aux sites PRDM9.

La protéine ANKRD31 forme des foyers sur les axes des chromosomes et s’accumule au niveau du PAR. ANKRD31 colocalise avec d’autres protéines essentielles à la formation des CDBs et en interaction directe avec l’une d’entre elle, REC114, comme le montre un autre article dans la même revue. Son mode d’action, bien qu’encore inconnu, est donc très directement impliqué dans l’activité catalytique de formation des CDBs en méiose.

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Figure : Les chromosomes en prophase de méiose sont organisés en boucles de chromatine ancrées sur des axes protéiques incluant SYCP2/3, HORMAD1/2 et les complexes des cohésines. Les deux chromatides sœurs d’un chromosome homologue sont représentées en bleu clair et foncé. Les protéines MEI4, IHO1 et REC114 sont indispensables à la formation des CDBs et sont localisées sur les axes chromosomiques. Ces protéines sont prédites pour interagir directement ou indirectement avec les sites de CDBs (flèches pointillées jaunes) situés au niveau des sites PRDM9 sur les autosomes ou au niveau de sites PRDM9-indépendents dans le PAR, qui ne possède pas ou peu de sites de fixation de PRDM9. L’organisation du complexe MEI4/IHO1/REC114 est probablement différente dans le PAR, où ces protéines s’accumulent. ANKRD31 est nécessaire mais non essentiel pour la stabilité/formation de ce complexe sur les autosomes mais indispensable sur le PAR. L’organisation du PAR est spécifique avec des boucles de chromatine plus courtes.

© Bernard de Massy  

 

Pour en savoir plus :

Mouse ANKRD31 Regulates Spatiotemporal Patterning of Meiotic Recombination Initiation and Ensures Recombination between X and Y Sex Chromosomes.
Papanikos F, Clément JAJ, Testa E, Ravindranathan R, Grey C, Dereli I, Bondarieva A, Valerio-Cabrera S, Stanzione M, Schleiffer A, Jansa P, Lustyk D, Fei JF, Adams IR, Forejt J, Barchi M, de Massy B, Toth A.

Mol Cell. 2019 Jun 6;74(5):1069-1085.e11. doi: 10.1016/j.molcel.2019.03.022. Epub 2019 Apr 15.

REC114 Partner ANKRD31 Controls Number, Timing, and Location of Meiotic DNA Breaks.
Boekhout M, Karasu ME, Wang J, Acquaviva L, Pratto F, Brick K, Eng DY, Xu J, Camerini-Otero RD, Patel DJ, Keeney S.

Mol Cell. 2019 Jun 6;74(5):1053-1068.e8. doi: 10.1016/j.molcel.2019.03.023. Epub 2019 Apr 16.

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Bernard de Massy
Chercheur CNRS