Maladie de Huntington et DCLK3 : un cercle vicieux de dérégulation des gènes
Figure : Localisation de la protéine DCLK3 dans le cerveau du primate non-humain et son effet régulateur sur les gènes. A : localisation de DCLK3 par microscopie confocale dans le striatum. L’ADN en bleu, DCLK3 en rouge et la protéine spécifique de neuron© Emmanuel Brouillet, Maria-Angeles Carrillo, Lucie de Longprez

Maladie de Huntington et DCLK3 : un cercle vicieux de dérégulation des gènes

Résultats scientifiques

Les chercheurs du Laboratoire des maladies neurodégénératives montrent que la baisse d’expression de la protéine DCLK3 favoriserait le dysfonctionnement et la mort des neurones dans la maladie de Huntington, une maladie neurodégénérative du jeune adulte. Ce travail réalisé en collaboration avec plusieurs autres laboratoires français montre également que la fonction de DCLK3, jusqu’alors inconnue, serait de moduler, dans les noyaux des neurones, un complexe macromoléculaire qui régule finement le processus de lecture du génome. Ces résultats ont été publiés le 9 mars 2018 dans la revue Brain.

La maladie de Huntington est une affection neurodégénérative rare. En France, elle touche environ 18000 personnes dont 12000 sont encore sans symptômes. Elle se manifeste classiquement entre 30 et 50 ans par des mouvements brusques involontaires (chorée) et des troubles comportementaux et cognitifs. La pathologie est due à la mutation du gène codant la protéine huntingtine qui provoque une dégénérescence des neurones débutant dans le striatum, zone du cerveau impliquée dans le contrôle des mouvements. Les mécanismes qui conduisent à la neurodégénérescence sont encore largement incompris. Des pistes existent néanmoins, parmi lesquelles des anomalies de la transcription de l’ADN en ARN. Une collaboration avec des équipes de l’Institut des Neurosciences de Grenoble, de l’I2BC au CEA de Saclay, de I-STEM à Evry, du LNCA de Strasbourg et de l’Université de Lausanne montre que la réduction de la production d’une protéine, la kinase DCLK3, observée dans les neurones du striatum des malades ou d’organismes modèles de la pathologie pourrait participer à la vulnérabilité des neurones en agissant de manière globale sur la transcription.

La fonction de DCLK3 est inconnue mais, selon des études très récentes menées sur le cancer, son activité pourrait moduler la survie des cellules. Ces travaux démontrent, dans un modèle murin de la maladie de Huntington, que la réduction de l’expression de DCLK3 exacerbe la toxicité du mutant de la huntingtine. Inversement, l’augmentation de la production de DCLK3 protège les neurones de la dégénérescence. Toujours dans un modèle murin de la maladie, rétablir un niveau suffisant d’expression de DCLK3 améliore certains symptômes moteurs.

L’analyse par criblage double-hybride chez la levure permet d’identifier in vitro 7 partenaires potentiels de la protéine. Étonnamment, ces candidats ont comme caractéristique commune d’être des régulateurs connus ou présumés de la transcription. En déterminant le niveau d’expression des gènes dans les neurones du striatum en fonction de l’activité de DCLK3, les chercheurs montrent que la protéine se comporte comme un régulateur de la transcription et du remodelage épigénétique de la chromatine. En accord avec ces données, ils observent une fraction de DCLK3 dans le noyau des cellules, siège de la transcription.

L’ensemble des résultats de cette étude conduit à proposer un modèle de type cercle vicieux : les effets du mutant de la huntingtine sur la transcription seraient dans un premier temps limités mais du fait qu’ils affectent DCLK3, ils s’en trouveraient largement amplifiés. Ainsi, moduler l’activité de DCLK3 pourrait, à terme, constituer une nouvelle stratégie thérapeutique pour la maladie de Huntington et possiblement d’autres maladies neurodégénératives.

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Figure : Localisation de la protéine DCLK3 dans le cerveau du primate non-humain et son effet régulateur sur les gènes. A : localisation de DCLK3 par microscopie confocale dans le striatum. L’ADN en bleu, DCLK3 en rouge et la protéine spécifique de neurone (NeuN) en vert. Le pourtour du noyau est dessiné en pointillés blancs. On observe que la protéine DCLK3 peut être localisée à l’intérieur du noyau du neurone. Barre d’échelle, 5 µm. B : exemple de gènes parmi les 53 identifiés dont l’expression est modifiée par la surexpression de la kinase active (et non par le mutant inactif) à l’aide des vecteurs viraux dans des neurones du striatum obtenus par différentiation de cellules souches embryonnaires humaines et exprimant un fragment de la huntingtine mutée. On observe notamment la modification d’expression de gènes codant des histones (i.e. HIST1H1D) et du gène PDE10B (une phosphodiesterase spécifique des neurones du striatum), indiquant un effet neuroprotecteur de DCLK3.
© Emmanuel Brouillet, Maria-Angeles Carrillo, Lucie de Longprez

 

En savoir plus

  • The striatal kinase DCLK3 produces neuroprotection against mutant huntingtin. 
    Galvan L, Francelle L, Gaillard MC, de Longprez L, Carrillo-de Sauvage MA, Liot G, Cambon K, Stimmer L, Luccantoni S, Flament J, Valette J, de Chaldée M, Auregan G, Guillermier M, Joséphine C, Petit F, Jan C, Jarrige M, Dufour N, Bonvento G, Humbert S, Saudou F, Hantraye P, Merienne K, Bemelmans AP, Perrier AL, Déglon N, Brouillet E.
    Brain. 2018 Mar 9. doi: 10.1093/brain/awy057. [Epub ahead of print]

Contact

Emmanuel Brouillet
Chercheur