L’influence de l’opinion d’autrui sur nos décisions au sein d’un groupe

Résultats scientifiques

Comment notre cerveau révise-t-il ses croyances lors de décisions de groupe dans lesquelles il est nécessaire d’intégrer l'influence des opinions d’autrui (information sociale) avec ses croyances initiales ? L’équipe de Jean-Claude Dreher à l’institut des sciences cognitives montre que l'adaptation de notre jugement lors d'une décision collective est réalisée à partir d’un calcul que le cerveau effectue en pondérant la confiance en son propre choix et la crédibilité qu'on accorde à l'information d'autrui. Cette étude a été publiée le 28 Juin 2017 dans la revue PLOS Biology.

Lorsque nous prenons des décisions dans un groupe, nous révisons souvent nos croyances initiales pour effectuer un meilleur jugement, en tenant compte de ce que les autres pensent. Malgré l’ubiquité de ce phénomène, nous savons peu de choses sur la façon dont le cerveau met à jour nos croyances lorsque nous intégrons nos jugements personnels (information individuelle) avec ceux des autres (information sociale).

Dans cette étude d’imagerie cérébrale fonctionnelle, Seongmin Park, Jean-Claude Dreher et leurs collègues ont étudié les mécanismes neurocomputationnels sous-tendant la façon dont nous adaptons nos jugements à ceux de groupes de différentes tailles, dans le cadre d’un jury effectuant des jugements pour des crimes. Les personnes placées dans le scanner IRMf voyaient d’abord la description d’un scénario de crime, puis devaient juger du nombre d’années de prison d’un criminel et indiquer leur niveau de confiance dans ce choix. Après une brève période, le nombre d’années de prison décidé par les autres jurés était révélé et les sujets scannés avaient l’opportunité de réviser ou non leur punition initiale.

Les chercheurs ont d’abord testé différents modèles théoriques, et montré qu'un modèle d'inférence bayésienne rendait compte des changements de nos jugements mieux que les autres modèles. Dans un tel modèle bayésien, les degrés de croyance en son propre jugement et en celui d’autrui sont représentés par des probabilités. Leurs résultats montrent que les participants mettent à jour leurs croyances en pondérant les sources d'information individuelles et sociales en fonction de leurs crédibilités respectives.

Deux régions cérébrales effectuent deux types de calculs fondamentaux pour l'inférence bayésienne : la mise à jour de croyances est réalisée par le cortex cingulaire antérieur dorsal (dACC) tandis que le cortex polaire frontal (FPC) est engagé dans l’estimation de la crédibilité de l'information sociale. En outre, une connectivité accrue entre ces deux régions cérébrales reflète une plus grande influence de la taille du groupe sur la crédibilité relative de l'information sociale. Ces résultats fournissent une compréhension mécanistique des rôles computationnels du réseau FPC-dACC dans l'adaptation du jugement à l'opinion d'un groupe. Ces résultats révèlent les mécanismes neurocomputationnels engagés lorsque le cerveau humain intègre les informations individuelles et sociales pour la prise de décision en groupe.

 

Image retirée.
Figure : Grâce à l’IRMf, il a été montré que deux régions cérébrales sont impliquées lors d’une décision sociale pondérant la confiance en son propre choix et la crédibilité qu'on accorde à l'information d'autrui. Ce calcul pondérant ces deux quantités est effectué par deux régions: la partie du cortex frontal la plus en amont - et la plus récente du point de vue de l'évolution - nommée le cortex fronto-polaire (à gauche de la figure), surveille les changements de crédibilité qu’on accorde à l'information sociale tandis que le cortex cingulaire antérieur (représenté à droite de la figure) effectue une mise à jour de nos croyances. Les courbes au centre de la figure représentent le modèle Bayésien rendant compte du comportement observé. Ce modèle prédit les changements de nos jugements sous l’influence sociale : une estimation de la punition initiale est formée pour faire le premier jugement (gaussienne grise) et intégrée avec les jugements d’autrui (gaussienne bleue), compte tenu de leur crédibilité respective (variance), pour former une nouvelle estimation du jugement final (gaussienne rouge).

© Seongmin Park. Jean-Claude Dreher
 

 

 

En savoir plus

Contact

Jean-Claude Dreher
Chercheur CNRS à l'Institut des sciences cognitives (ISC) - Marc Jeannerod - (CNRS/Université Claude Bernard)