L’espace bleu entre les nuages : l’espace extracellulaire dans la maladie de Parkinson

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Le microenvironnement extracellulaire cérébral correspond à l’espace étroit qui entoure chaque cellule du système nerveux central. Il est composé d'un compartiment dynamique, l'espace extracellulaire, qui contient le fluide interstitiel et la matrice extracellulaire. Ce compartiment voit sa taille et sa composition physico-chimique évoluer dans un modèle murin de la maladie de Parkinson basé sur la présence d’une protéine mal repliée, la synucléine. Celle-ci peut alors mieux diffuser et potentiellement transmettre son message pathologique de proche en proche à d’autres parties du cerveau. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.

Décrit il y a 50 ans, le microenvironnement extracellulaire cérébral correspond à l’espace étroit qui entoure chaque cellule du système nerveux central. Il est composé d'un compartiment dynamique, l'espace extracellulaire, qui contient le fluide interstitiel et la matrice extracellulaire (MEC). La MEC, principal composant structurel de l'espace extracellulaire, est un réseau dense de macromolécules entourant les cellules, avec le polysaccharide hyaluronan (ou Acide Hyaluronique) entant que cadre structurel de la matrice. Le rôle principal de la MEC est de soutenir les cellules en fournissant un support d'adhésion, mais son rôle va également bien au-delà: la matrice est impliquée dans de nombreuses fonctions cellulaires, par ses propriétés physico-chimiques, sa structure et ses différents ligands. On sait que lors de la genèse des cancers, la MEC subit des transformations importantes, avec une structure plus visqueuse, ressemblant à celle associée au développement embryonnaire. Cependant, on connait peu de choses de son implication dans la physiopathologie des maladies neurodégénératives, et en particulier de la maladie de Parkinson.

Dans cette étude les scientifiques montrent que, dans un modèle murin de synucléinopathie parkinsonienne caractérisé par une perte progressive des neurones dopaminergiques, la substantia nigra dégénérée présente un espace extracellulaire plus large, associé à une diffusion accrue des molécules dans cet espace. L'étude montre également que l'acide hyaluronique, le principal composant de la matrice extracellulaire cérébrale, est dégradé en partie via la phagocytose par la microglie. Les petits fragments d’acide hyaluronique déclenchent l’activation microgliale, en suggérant une boucle bidirectionnelle entre la matrice et la microglie dans cette pathologie

Fait intéressant, la fragmentation d’acide hyaluronique exacerbe l'activation de la microglie, des cellules spécialisée dans la réponse inflammatoire du cerveau et dans l’éliminations des déchets, dans le modèle murin utilisé, entraînant une neuroprotection à long terme. Cela identifie la manipulation de la matrice extracellulaire comme stratégie thérapeutique potentielle pour modifier le décours de la maladie. 

Grâce à  la microscopie fluorescence à haute-résolution, qui offre jusqu'à dix fois la résolution de la microscopie optique classique, les scientifiques ont pu visualiser les paramètres morphologiques et diffusionnels précis de l'espace extracellulaire dans ce modèle de synucléinopathie de la maladie de Parkinson, ouvrant des pistes pour comprendre comment les protéines telles que l’alpha-synucléine, pourraient être transférées entre les cellules du cerveau et de la périphérie. La possibilité d'explorer l’organisation, à l'échelle nanométrique, de l’espace extracellulaire permet d'espérer de nouvelles pistes pour mieux comprendre la physiologie cérébrale, à la fois dans un contexte de physiologie saine et pathologique.

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© Erwan Bézard

Figure : Vue des neurones et de l’espace extracellulaire dans la substance noire avd agrandissement sur l’espace extracellulaire et ses constituants. A gauche, le cerveau sain avec une survie optimale des neurones dopaminergiques, une accumulation d’acide hyaluronique, un espace extracellulaire étroit et une diffusion des molécules normale. A droite, le cerveau parkinsonien avec une perte des neurones dopaminergiques, une dégradation de l’acide hyaluronique, un espace extracellulaire très élargi et une diffusion des molécules au sein de cet espace très augmentée.

 

Pour en savoir plus:

Synucleinopathy alters nanoscale organization and diffusion in the brain extracellular space through hyaluronan remodeling.
Soria FN, Paviolo C, Doudnikoff E, Arotcarena ML, Lee A, Danné N, Mandal AK, Gosset P, Dehay B, Groc L, Cognet L, Bezard E.
Nat Commun. 10 july 2020. doi: 10.1038/s41467-020-17328-9.

 

Contact

Erwan Bézard
Directeur de recherche Inserm à l'Institut des Maladies Neurodégénératives (IMN)
Laurent Cognet
Chercheur CNRS au Laboratoire Photonique, Numérique, Nanosciences (LP2N)

Laboratoire

Institut des Maladies Neurodégénératives (IMN) - (CNRS, Université de Bordeaux)
Centre Broca Nouvelle-Aquitaine,
146 rue Léo Saignat  33076 Bordeaux - France