Les préférences auditives des nouveau-nés sont influencées par l’expérience émotionnelle associée aux sons perçus par leur mère au cours de la gestation

Résultats scientifiques

L’expérience sensorielle prénatale, en particulier les expériences auditives, sont une source de mémoires pour les fœtus. Ainsi, les nouveau-nés de différentes espèces, y compris l’Homme, distinguent la voix de leur mère de celle d’autres individus. Des chercheurs des laboratoires Physiologie, environnement et génétique pour l'animal et les systèmes d'élevage et Ethologie animale et humaine, apportent pour la première fois une preuve expérimentale chez des porcelets que la contiguïté temporelle entre des stimuli sensoriels et des réactions émotionnelles maternelles peut être une source d’apprentissage associatif pour le fœtus. Cette étude a été publiée le 18 novembre dans la revue Scientific Reports.

Les chercheurs ont testé si l’association de sons (voix humaine lisant un texte) avec une expérience émotionnelle de valence positive ou négative chez des truies gestantes avait un impact sur la réaction des porcelets à ces mêmes sons juste après la naissance et dans les semaines suivantes.

Trente truies et leurs portées ont été étudiées : les truies recevaient quotidiennement et alternativement un traitement positif et un traitement négatif pendant leur dernier mois de gestation, chacun étant associé avec une voix humaine particulière. Après la naissance des porcelets, ceux-ci ont été soumis à des tests de séparation auxquels étaient associés la diffusion d’une ou des deux voix. Les résultats montrent bien que cette expérience de la mère gestante a une influence sur les réactions postnatales des porcelets à ces sons : 1) dès le premier test à l’âge de deux jours (mais également encore à l'âge de trois semaines), les porcelets pour qui ces voix sont “familières” sont moins stressés par la séparation que les porcelets témoins qui n'ont pas été exposés à ces voix avant leur naissance : il y a donc bien eu audition et mémorisation in utero ; 2) cet effet est généralisé à toute voix humaine puisqu’ils sont aussi davantage “rassurés” en entendant une voix étrangère ; 3) et surtout, ils sont plus stressés en entendant la voix humaine associée par la mère à une émotion négative que lorsqu'ils sont isolés avec la voix humaine associée par la mère à une émotion positive ou en absence de voix. Cette étude apporte la première démonstration d’un apprentissage in utero d’une association entre un stimulus sensoriel et l’état émotionnel de la mère. Ces résultats ouvrent tout un pan de recherche qui va bien au-delà de l’espèce porcine car ils invitent à reconsidérer l’impact des expériences prénatales à travers le filtre des ressentis maternels.

 

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Figure : Les fœtus sont capables d’associer les sons entendus avec les émotions de leur mère.

© Alban Lemasson

 

 

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Contact

Céline Tallet
Martine Hausberger
Chercheuse CNRS à l'unité Ethologie animale et humaine (EthoS)
Alban Lemasson