Le méningocoque reconnait un sucre spécifique pour coloniser les cellules humaines

Résultats scientifiques Microbiologie

Dans cet article, publié dans la revue PNAS, les chercheurs montrent que Neisseria meningitidis (méningocoque), une bactérie responsable de méningites et de formes sévères de septicémie (purpura fulminans), adhère aux cellules humaines via ses pili de type IV grâce à la reconnaissance spécifique d’un sucre complexe porté sur le récepteur humain CD147.

Une grande partie des facteurs qui facilitent l'adhérence des bactéries aux cellules hôtes (appelés « adhésines ») présentent une activité lectine (protéines associées réversiblement à certains glucides) et se lient à des régions spécifiques des glycanes (polymères de monosaccharides) qui composent le glycocalyx (manteau glucidique à la surface des membranes cellulaires). La grande diversité structurale des glycanes offre de nombreuses possibilités combinatoires pour affiner les interactions hôte-microbes. Cette diversité peut fournir une reconnaissance d'espèces relativement forte et spécifique et conférer aux bactéries un tropisme pour des tissus ou hôtes particuliers. Des études détaillées de la spécificité de ces lectines microbiennes peuvent conduire à l'identification et à la synthèse de puissants inhibiteurs de l’adhérence de ces microbes à leur hôte, qui pourraient constituer la base de nouveaux agents thérapeutiques pour lutter contre les maladies infectieuses. Cependant, en raison de la complexité structurelle et de la diversité fonctionnelle des glycanes, la caractérisation de la nature exacte des motifs glucidiques spécifiquement reconnus par les adhésines microbiennes demeure difficile. Dans quelques cas seulement, les récepteurs humains des adhésines de bactéries pathogènes ont été décrits. En particulier, on sait peu de choses sur les cibles cellulaires de structures bactériennes particulières, les pili de type IV. Ces attributs, qui sont très répandus parmi les bactéries à Gram négatif et positif, sont des facteurs adhésifs clés pour de nombreuses bactéries pathogènes. Malgré des évidences qu'ils pourraient se comporter comme des lectines, aucun glycane spécifique reconnu par ces pili à la surface de leurs récepteurs hôtes n'a été caractérisé jusqu'à présent.

Dans cette étude, les chercheurs qui étudient la physiopathologie des infections invasives à méningocoque, ont profité de l'identification d'un récepteur hôte pour les pili de type IV du méningocoque, CD147, permettant la colonisation des cellules vasculaires et des méninges. À l’aide de différentes méthodes (affinité sur lectines, procédure enzymatique et analyse par spectrométrie de masse), ils ont identifié le N-glycane complexe spécifiquement reconnu par les pili de type IV du méningocoque.  Ils ont ensuite montré que la fucosylation (ajout d'un sucre, le fucose) de ce glycane détermine la spécificité de l'adhésion du méningocoque au récepteur CD147 humain. Enfin, ils ont démontré que la spécificité de l'interaction avec les pili de type IV réside également dans la séquence du récepteur. Ces résultats mettent en évidence un degré de complexité dans la reconnaissance des récepteurs cellulaires des pili de type IV, qui pourrait jouer un rôle déterminant à la fois dans la reconnaissance par les bactéries piliées d'une espèce spécifique et dans le tropisme pour certains tissus hôtes.

Ces résultats représentent une avancée importante dans le domaine. Ils ont une large applicabilité aux infections par des bactéries piliées et mettent en évidence l'intérêt de cibler des déterminants glucidiques spécifiques reconnus par les adhésines microbiennes dans le traitement des infections bactériennes.

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© Sandrine Bourdoulous

Figure :  Neisseria meningitidis (méningocoque) adhère au récepteur CD147 via ses pili de type IV pour coloniser les cellules endothéliales humaines. Cette interaction repose sur la reconnaissance d’un N-glycane spécifique (tri-antenné sialylé contenant un poly-N-acetyllactosamine) exposé sur le site de N-glycosylation proche de la membrane plasmique.

En savoir plus

Receptor recognition by meningococcal type IV pili relies on a specific complex N-glycan.

Le Guennec L, Virion Z, Bouzinba-Ségard H, Robbe-Masselot C, Léonard R, Nassif X, Bourdoulous S, Coureuil M.
Proc Natl Acad Sci U S A. 2020 Jan 21. pii: 201919567. doi: 10.1073/pnas.1919567117

Laboratoires :

Institut Cochin (Inserm, CNRS, Université de Paris)
22 rue Méchain, 75014 PARIS

Institut Necker-Enfants Malades (Inserm, Université de Paris)

Tour de la Faculté de Médecine
156-160 rue de Vaugirard, 75015 PARIS

Contact

Sandrine Bourdoulous
Chercheuse CNRS à l'Institut Cochin
Mathieu Coureuil
Chercheur Inserm