La synthèse de protéines localisée aux synapses soutient notre mémoire
Les neurones sont connectés entre eux par des synapses. L’efficacité de la transmission synaptique est modifiée dans les compartiments pré- ou/et post-synaptiques lors des apprentissages par des mécanismes de « plasticité synaptique » qui peuvent nécessiter la synthèse de nouvelles protéines. La traduction des ARN messagers en protéines est généralement réalisée dans le corps cellulaire. Une collaboration franco-allemande a permis la découverte d’une machinerie de synthèse des protéines délocalisée dans les axones des neurones au niveau des pré-synapses. Publié dans Science, ce mécanisme local de production de protéines synaptiques ouvre de nouvelles perspectives sur les mécanismes d’apprentissage et de la mémoire.
Les cellules produisent les protéines nécessaires à leur fonctionnement le plus souvent à proximité de leur noyau cellulaire qui contient leur génome. Les neurones, organisés en réseaux, ont la particularité d’étendre des prolongements extrêmement fins et longs appelés axones qui parcourent de longues distances afin de contacter leurs cibles. De ce fait, le corps cellulaire contenant le noyau est parfois distant de plusieurs centimètres, voire de plus d’un mètre des terminaisons nerveuses (compartiment présynaptique). Ainsi, une protéine produite dans le corps cellulaire peut mettre plusieurs jours avant d'atteindre des synapses distantes. La question du mécanisme de renouvellement rapide des protéines aux synapses était encore énigmatique.
Le Dr. Etienne Herzog à l'Institut interdisciplinaire de neuroscience de Bordeaux a établi la méthode la plus avancée dans le domaine de la purification des synapses à partir du cerveau de souris. Ceci a permis, en collaboration avec le laboratoire du Pr. Erin Schuman à l'Institut Max Planck de recherche sur le cerveau à Francfort-sur-le-Main, d’isoler les ARN messagers enrichis dans les terminaisons pré-synaptiques et de les séquencer par les méthodes les plus sensibles de transcriptomique. Leur travail a révélé que les ARN messagers transcrits de plus de 450 gènes sont transportés aux pré-synapses afin d’y être traduit en protéine.
La plasticité synaptique mise en jeu lors des apprentissages nécessite l’apport de nouvelles protéines. En mesurant la synthèse protéique et en observant sa localisation, les auteurs ont pu montrer comment des protéines importantes pour les synapses sont rapidement synthétisées sur place pour participer au maintien et à la plasticité des réseaux de neurones. Mieux encore ! Ils ont montré que certains protocoles de stimulation de la plasticité synaptique activent aussi la synthèse locale de protéines aux synapses. La mise en évidence de ces nouveaux mécanismes permet de mieux comprendre comment les neurones maintiennent la mémoire pendant plusieurs années parfois tout en renouvelant en permanence le matériel protéique dont ils sont constitués. Ce renouvellement progressif continu des protéines usagées par de nouvelles est indispensable au bon fonctionnement des neurones et sa perturbation est suspectée dans les maladies neuro-dégéneratives. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives sur les mécanismes de la plasticité synaptique et la compréhension de leur perturbation lors de maladies cérébrales (déficits cognitifs d’origine génétique, maladies neuro-dégénératives).
Pour en savoir plus :
Local protein synthesis is a ubiquitous feature of neuronal pre- and postsynaptic compartments.
Hafner A-S, Donlin-Asp PG, Leitch B, Herzog E & Schuman EM (2019)
Science 364: DOI: 10.1126/science.aau3644
Max Planck Institute for Brain Research
www.brain.mpg.de