Des structures branchées !

Résultats scientifiques

Les introns de groupe II sont de grands ARN catalytiques et des éléments génétiques mobiles. Nés chez les bactéries, ils sont très probablement les ancêtres des introns nucléaires eucaryotes et de leur appareil d’épissage, le spliceosome. Dans les deux systèmes d’épissage, l’intron est excisé dans une conformation en ‘lasso’ due à une liaison spécifique 2’-5’. Des structures cristallographiques obtenues par des chercheurs de l’Institut de biologie intégrative de la cellule révèlent les raisons de l’extrême conservation de la forme ‘lasso’ au cours de l’évolution. Cette étude a été publiée le 2 décembre 2016 dans la revue Science.

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Figure 1: Mécanismes d’épissage et d’épissage inverse des introns de groupe II. L’auto-épissage des introns de groupe II, tout comme l’épissage des introns nucléaires catalysé par le spliceosome, résulte de deux réactions successives de transestérification et aboutit à la ligature des exons et à l’excision de l’intron sous forme d’un ‘lasso’. Une fois libéré, l’intron ‘lasso’ est aussitôt prêt à s’insérer dans une cible ADN en catalysant ‘l’épissage inverse’. Cette étape cruciale est à la base de la rétro-transposition de l’intron. Les étapes ultérieures de ce processus de mobilité (non représentées) requièrent l’action d’une transcriptase inverse dont la phase ouverte de lecture est portée par l’intron lui-même.

© Maria Costa

 

 

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Figure 2: Bases structurales de l’épissage inverse. Structure cristallographique d’un intron de groupe II excisé en conformation ‘lasso’ (résolution de 3.5 Å). La structure révèle que la branche 2’-5’ est au centre d’un réseau de liaisons d’hydrogène (lignes noires en pointillé) et d’empilement de bases qui organise le site actif et positionne le dernier nucléotide de l’intron (Y) dans le centre catalytique. Le groupement 3’-hydroxyle (3’OH) du nucléotide Y est activé par un ion métallique et pré-positionné pour la catalyse de la réaction d’épissage inverse.

© Maria Costa

 

En savoir plus

Les introns de groupe II sont de grandes molécules d’ARN capables de catalyser des réactions chimiques. Ce sont des ribozymes et cette propriété leur permet de s’auto-exciser d’un ARN précurseur (processus d’épissage) en l’absence de tout facteur protéique. Ces introns - très répandus chez les bactéries et dans les organites (mitochondrie et chloroplaste) - sont également des éléments génétiques mobiles, capables de coloniser des ADN cibles par un processus de rétro-transposition très efficacequi contribue à la diversification des génomes. Enfin, les introns de groupe II sont très probablement les ancêtres évolutifs des introns des ARN pré-messagers nucléaires eucaryotes et de leur machinerie d’épissage, le spliceosome. Cette hypothèse évolutive repose sur de nombreuses similarités au niveau structural et fonctionnel. Parmi celles-ci, la plus frappante est certainement le mécanisme d’épissage commun, qui aboutit à l’excision de l’intron sous forme d’une molécule branchée, appelée ‘lasso’ ou ‘lariat’. Dans les deux systèmes d’épissage, la conformation en ‘lasso’ résulte de la formation d’une liaison phosphodiester 2’-5’ entre une adénosine intronique très conservée et le premier nucléotide de l’intron, presque toujours une guanosine (figure 1).

Trente ans après la découverte de la conformation ‘lasso’, on ne connaissait toujours pas les raisons de sa prédominance dans les systèmes d’épissage des organismes contemporains. Les structures cristallographiques d’un intron ‘lasso’ de groupe II obtenues par Maria Costa et ses collaborateurs illuminent cette question en révélant que la branche 2’(A)-5’(G) joue un rôle crucial dans l’assemblage du site actif de l’intron et dans la catalyse (figure 2). En mettant en interaction les nucléotides conservés aux deux extrémités de l’intron, la branche participe directement à la définition des jonctions d’épissage, accélère la réaction d’excision de l’intron par quelque trois ordres de grandeur et contribue de façon décisive à la fidélité du processus global d’épissage. De plus, ces structures montrent que le centre catalytique de l’intron lasso, une fois ce dernier libéré de l’ARN précurseur, est maintenu dans une configuration compétente pour l’initiation de « l’épissage inverse » (ou rétro-épissage) ; ce mécanisme, qui consiste en la catalyse des réactions d’épissage en sens inverse, est à la base de la propagation de l’intron dans les génomes par rétro-transposition. Ces données nouvelles fournissent une explication structurale à la supériorité de la forme ‘lasso’ en tant qu’élément mobile infectieux. Enfin, ces structures cimentent le lien évolutif entre les introns de groupe II et le système d’épissage des pré-messagers eucaryotes car elles suggèrent des homologies fonctionnelles précises entre nucléotides conservés dans les deux systèmes.

Des vecteurs dérivés des rétro-transposons de groupe II et dédiés à la manipulation du génome, sont déjà couramment utilisés chez les bactéries. Les connaissances tirées de ces travaux permettront la conception rationnelle de nouveaux vecteurs avec des propriétés modifiées ou inédites susceptibles, en autres, d’élargir le champ d’application de ces molécules à potentiel thérapeutique aux génomes eucaryotes.

 

 

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