Découverte du premier antioxydant naturel capable de cibler les mitochondries

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

La mitochondrie produit l’énergie pour les cellules. Mais c’est aussi le principal foyer cellulaire du stress oxydant généré durant certaines pathologies qui contribue à la mort de la cellule. Jusqu’à présent, seuls des antioxydants de synthèse étaient utilisés pour lutter contre le stress oxydant mitochondrial. Cette étude, publiée dans la revue Redox Biology, identifie un antioxydant naturel, la sinapine, capable d’entrer dans les mitochondries et d’y lutter efficacement contre un stress oxydant mitochondrial dans des situations mimant un accident ischémique cardiaque.

Les mitochondries sont des acteurs essentiels du métabolisme énergétique cellulaire. En oxydant le glucose ou les acides gras, la respiration mitochondriale produit des molécules d’ATP essentielles au développement et à l’activité des cellules. Mais si les mitochondries occupent une place centrale dans la vie de nos cellules, elles ont aussi sur elles un droit de vie ou de mort. Dans certaines conditions anormales, elles peuvent générer de grandes quantités d’espèces réactives dérivées de l’oxygène, conduisant à un stress oxydant et à des lésions pouvant aller jusqu’à la mort de la cellule. Les dysfonctionnements mitochondriaux sont ainsi décrits comme participant au développement de nombreuses pathologies.

Le cœur est un organe capable de consommer dix fois sa masse en ATP chaque jour. Pour répondre à ses besoins énergétiques extrêmes, environ 20 à 30 % du volume des cellules musculaires cardiaques est occupé par les mitochondries. Dans l’infarctus du myocarde, ces organites vont générer un important stress oxydant lors des premières minutes de la reperfusion post-infarctus. Le rôle clé de ce stress dans la sévérité de l’infarctus et dans le pronostic vital du patient est bien documenté. Aussi semble-t-il essentiel aujourd’hui de cibler spécifiquement ce stress oxydant mitochondrial afin de limiter la sévérité des lésions.

Une stratégie utilisée à ce jour par les chimistes est d’utiliser la différence de potentiel électrique de la matrice mitochondriale par rapport au cytoplasme afin d’y adresser des composés chargés positivement (des cations). En effet, la matrice mitochondriale est le compartiment ayant le potentiel de membrane le plus négatif de la cellule. En synthétisant des cations lipophiles ou amphiphiles capables de franchir les membranes cellulaires, certaines équipes ont été capables d’adresser des antioxydants — c’est à dire des molécules capables de limiter les dommages cellulaires liés à l’excès de stress oxydant — directement à l’intérieur des mitochondries. Ces stratégies se sont montrées extrêmement efficaces quant à la limitation du stress oxydant mitochondrial.   

La sinapine est un antioxydant naturel que l’on peut trouver dans les plantes de la famille des Brassicaceae, les plus connues étant le colza ou la moutarde. Généralement, les antioxydants naturels permettent de cibler le stress oxydant cellulaire de manière non ciblée. Ici, dans le cadre d’une collaboration entre deux laboratoires publics et une société innovante spécialisée dans les extraits, les auteurs ont identifié et montré que la sinapine, grâce à la charge électrique positive de son groupement choline, possède un tropisme mitochondrial lui permettant de cibler le stress oxydant mitochondrial. Ces équipes ont mis en évidence que non seulement la sinapine était capable de passer du tractus digestif au compartiment sanguin, mais aussi et surtout qu’elle était capable de franchir les membranes des cellules cardiaques pour finalement entrer dans les mitochondries. Ainsi, lorsqu’un stress spécifiquement mitochondrial est généré sur des cellules cardiaques, le stress oxydant qui en résulte est moins marqué si les cellules sont traitées au préalable avec de la sinapine. Les auteurs ont aussi montré que la sinapine pouvait limiter le stress oxydant au cours d’un infarctus du myocarde réalisé sur un modèle de cœur isolé.

Jusqu’à présent, seules des antioxydants de synthèse permettaient de cibler ces organites cellulaires si particuliers. Cette étude a donc permis, pour la première fois, d’identifier un antioxydant naturel possédant des propriétés physico-chimiques lui permettant de cibler le stress oxydant mitochondrial. De nombreuses pathologies, dont l’infarctus du myocarde (étudié ici), mais aussi des maladies métaboliques (tel que le diabète), l’hypertension, des maladies neurodégénératives ou même le vieillissement, impliquent des défauts de fonctionnement de la mitochondrie et un stress oxydant mitochondrial. Cette étude pourrait ouvrir la voie à de nouvelles stratégies de protections des mitochondries basées sur l’utilisation d’antioxydants naturels.

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©  Olivier Cazorla et Cyril Reboul

Figure  : La sinapine, un antioxydant naturel cationique issu du colza, permet de réduire le stress oxydant mitochondrial et ainsi d’améliorer la fonction du cœur après un infarctus.

 

Pour en savoir plus:

Sinapine, but not sinapic acid, counteracts mitochondrial oxidative stress in cardiomyocytes
Boulghobra D, Grillet PE, Laguerre M, Tenon M, Fauconnier J, Fança-Berthon P, Reboul C, Cazorla O.
Redox Biol; 2020 May. doi: 10.1016/j.redox.2020.101554.

Contact

Olivier Cazorla
Directeur de recherche CNRS à Physiologie et Médecine Expérimentale du cœur et des muscles (PhyMedExp)
Cyril Reboul
Enseignant- chercheur à l'Université d'Avignon et au Laboratoire de Pharm-ecologie Cardiovasculaire
Mickaël Laguerre
Chercheur à Givaudan

Laboratoires

Physiologie et Médecine Expérimentale du cœur et des muscles (PhyMedExp) - (CNRS / Inserm / Université de Montpellier)
163 rue Auguste Broussonnet - 34090 Montpellier

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