Comment le parasite s'adapte à la nutrition de son hôte

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie

Existe-t-il un lien entre notre état de santé et notre alimentation et la propagation de maladies infectieuses et chroniques dues à des agents parasitaires présents dans notre organisme ? Dans cet article paru dans la revue Cell reports, les scientifiques montrent comment des parasites intracellulaires de l’homme responsables de la toxoplasmose et du paludisme sont capables de ressentir l’état nutritionnel de leur hôte pour mettre en place un programme métabolique unique assurant leur survie. Ces travaux apportent un éclairage nouveau dans la compréhension de l’interaction métabolique entre ces pathogènes et leurs hôtes humains.

Les parasites Apicomplexa sont des organismes unicellulaires responsables de maladies infectieuses et chroniques graves chez l’homme, notamment la toxoplasmose et le paludisme (causé par Plasmodium falciparum). Les parasites responsables de ces deux maladies infectent plusieurs centaines de millions de personnes chaque année et causent la mort de près d’un million d’entre elles (enfants et patients immuno-déprimés pour la plupart). L’absence de vaccin efficace et l’émergence de souches parasitaires résistantes aux traitements actuels soulignent l’urgence à identifier de nouvelles cibles pour le développement de médicaments innovants. Le renouvellement de notre arsenal thérapeutique dépend d’une meilleure compréhension des interactions métaboliques entre ces parasites et notre organisme.

Les parasites doivent envahir une cellule hôte afin de s’y propager, y survivre et donc causer la maladie. Au cours de leur développement intracellulaire, les parasites ont besoin de grandes quantités de nutriments et de lipides afin de pouvoir se propager. Ces nutriments sont acquis d’une part, par le recyclage des ressources nutritives de l’hôte (cellule) et d’autre part par la fabrication de lipides émanant d’un compartiment végétal (apicoplaste) propre au parasite. Cependant, il n’existait aucune donnée expérimentale sur le rôle des chacune de ces voies d’acquisition des nutriments par le parasite.

Au sein d'un Laboratoire International Associé avec l’Université de Melbourne, les chercheurs démontrent que le parasite est capable de ressentir l’état nutritionnel de l’hôte pour réguler ses voies d’acquisition nutritives. Le parasite “ressent” l’état de santé et la quantité de nutriments disponibles chez l’humain et modifie son comportement métabolique pour obtenir ce dont il a besoin pour se propager. Par des approches métabolomiques et lipidomiques2 in vitro, les chercheurs mettent en évidence que, lorsque les ressources nutritives de l’hôte viennent à manquer, le parasite met en place deux réponses métaboliques simultanées afin obtenir les ressources nécessaires à sa survie : 1°) il accélère ses capacités à fabriquer des lipides via l’apicoplaste, rendant cette voie essentielle dans ces conditions chez Plasmodium falciparum et 2°) il modifie profondément le métabolisme de la cellule hôte humaine afin de générer du matériel nutritif et lipidique qu’il peut ensuite s’approprier pour ses propres besoins.

Cette étude met en avant des capacités jusqu’alors inconnues du parasite à sentir, s’adapter et utiliser au mieux le contenu nutritif de son hôte humain. De plus, ces résultats pointent deux nouvelles voies métaboliques essentielles au parasite, l’apicoplaste, son “talon d’Achille végétale” et le contrôle et la modification de sa cellule hôte. Cela pourrait ouvrir la voie à de nouvelles approches thérapeutiques contre la toxoplasmose et la malaria ciblant uniquement le parasite et ce potentiellement quand les patients sont affaiblis et / ou en carence nutritives.

FIGURE
© Cyrille Botté
 
Figure : Modèle d’interaction métabolique entre les parasites apicomplexa (paludisme/toxoplasmose) et leur hôte en fonction du statut nutritionnel de la cellule humaine. A gauche, dans le cas d’un environnement nutritionnel riche (cadre orange) chez le patient sain (en rose la cellule hôte humaine), le parasite (au centre, en blanc) peut utiliser massivement les ressources nutritionnelles de son hôte pour se diviser et survivre. A droite, dans le cas d’un environnement nutritionnel pauvre (cadre bleu) / patient affaibli en sous-nutrition, le parasite le ressent et procède à d’importantes modifications adaptatives : (1) le parasite augmente ses capacités de synthèse lipidiques via sa « facette végétale » (en vert dans le parasite, apicoplaste, compartiment d’origine végétale et spécifique au parasite), (2) il modifie profondément la cellule humaine afin que celle-ci génère plus de matériel nutritionnel uniquement pour le parasite.

 

Pour en savoir plus:

Division and Adaptation to Host Environment of Apicomplexan Parasites Depend on Apicoplast Lipid Metabolic Plasticity and Host Organelle Remodeling.
Amiar S, Katris NJ, Berry L, Dass S, Duley S, Arnold CS, Shears MJ, Brunet C, Touquet B, McFadden GI, Yamaryo-Botté Y, Botté CY.

Cell Rep. 2020 Mar 17;30(11):3778-3792.e9. doi: 10.1016/j.celrep.2020.02.072.

Contact

Cyrille Botté
Institut pour l'Avancée des Biosciences (IAB) - CNRS / Inserm / Université Grenoble Alpes

Laboratoire

Institut pour l’Avancée des Biosciences (IAB) - (CNRS/Inserm/UGA)
Site santé – Allée des Alpes 38700 La Tronche